Ces derniers mois, les tensions entre l’Algérie et le Maroc semblent avoir atteint les limites qu’offre la diplomatie. Après plusieurs incidents politiques, l’escalade militaire est aujourd’hui enclenchée.
Trois nouvelles victimes algériennes
Au début du mois de novembre dernier, trois Algériens ont été tués dans la zone disputée du Sahara occidental, plus précisément dans le territoire contrôlé par le Front Polisario, mouvement de libération nationale du Sahara occidental. Les convois de transport algériens dans lesquelles se trouvaient les victimes revenaient de Nouakchott, la capitale mauritanienne, et allaient vers Ouargla, une ville du sud de l’Algérie, lorsqu’ils ont été touchés par des frappes ciblées de drones.
“Le Roi Mohammed VI a déclaré que Rabat maintiendra sa souveraineté sur le territoire litigieux, mais a toutefois précisé que le Maroc préférait un “règlement pacifique”
Les autorités algériennes ont aussitôt accusé le Maroc d’avoir mené une attaque punitive contre les deux convois et ont réfuté l’argument de l’erreur en avançant que les convois étaient facilement identifiables.
Rabat n’a pas fait de commentaire officiel pour confirmer ou infirmer les allégations des autorités algériennes. Le 6 novembre dernier, lors de la célébration de l’anniversaire de la Marche Verte du Maroc au Sahara occidental en date du 1975, le Roi Mohammed VI a déclaré que Rabat maintiendra sa souveraineté sur le territoire litigieux, mais a toutefois précisé que le Maroc préférait un “règlement pacifique”.
Lutte permanente au Sahara occidental
Cette attaque n’est en réalité que le dernier épisode d’un processus d’escalade entre les deux pays. En effet, le Sahara occidental est rapidement devenu le lieu de toutes les tensions. Le désaccord entre l’armée marocaine et le Front Polisario était resté cantonné à la sphère politique jusqu’à l’année dernière, avant de basculer en novembre 2020 dans un conflit militaire. Le cessez-le-feu qui était en place depuis 29 ans avait alors volé en éclat à ce moment. Le récent rapprochement de Rabat avec Israël, avec la reconnaissance de l’État d’hébreu par le Maroc en échange de la marocanité du Sarah occidental par l’État hébreu, a encore plus attisé la rancœur entre les deux meilleurs ennemis du Maghreb. Les autorités algériennes avaient déjà rompu leurs relations diplomatiques avec le Maroc le 24 octobre et interdit son espace aérien à tous les avions civils et militaires marocains en raison de tensions croissantes.
“Le récent rapprochement de Rabat avec Israël, avec la reconnaissance de l’État d’hébreu par le Maroc en échange de la marocanité du Sarah occidental par l’État hébreu, a encore plus attisé la rancœur entre les deux meilleurs ennemis du Maghreb”
La situation actuelle entre l’Algérie et le Maroc est ainsi le résultat d’une série de tensions non résolues, symptôme d’une lutte permanente pour la suprématie régionale. La mort des trois Algériens est une piqûre de rappel importante sur le fait que les tensions sécuritaires existent bien entre les deux pays, et ce même dans les territoires que les forces sahraouies estiment avoir sécurisé.
Deux meilleurs ennemis que tout oppose
À la suite de l’incident, l’Algérie a annoncé avoir interrompu l’approvisionnement en gaz naturel du Maroc via le gazoduc Maghreb-Europe. Le 5 novembre, le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, a souligné auprès des Nations unies et d’autres organisations internationales, “l’acte de terreur d’État” perpétré par le Maroc, dénonçant le caractère dangereux des agissements du Maroc pour la paix et la stabilité régionale.
“Une guerre froide régionale est enclenchée et le ton est clair : la guerre n’est pas loin. Les autorités algériennes ont en effet promis que la mort de leurs citoyens ne resterait pas impunie”
Ainsi, pour l’instant, les autorités algériennes ont opté pour la méthode diplomatique, à travers le lobbying contre le Maroc qu’elles mettent en place. Toutefois, une confrontation militaire directe n’est pas à exclure puisque ni Alger ni Rabat ne sont prêts à faire marche arrière. Les deux rivaux sont de plus portés par des visions opposées du Maghreb. En effet, Alger voit la région à travers le prisme de l’histoire, notamment coloniale, tandis que Rabat a pour priorité son agenda libéral, bien ancré dans une realpolitik, comme cela a été démontré par son rapprochement historique avec Israël.
Une guerre froide régionale est enclenchée et le ton est clair : la guerre n’est pas loin. Les autorités algériennes ont en effet promis que la mort de leurs citoyens ne resterait pas impunie.
Par Ardavan Amir-Aslani et Inès Belkheiri.
Paru dans Le Nouvel Economiste du 08/12/2021.