Iran-Etats-Unis, un possible rapprochement ?

La réélection de Donald Trump, qui avait mené au cours de son premier mandat une politique de pression maximale vis-à-vis de l’Iran en dénonçant l’accord de Vienne, laissait craindre de nouvelles tensions entre Washington et Téhéran.

Les premières semaines de la nouvelle présidence américaine présagent pourtant d’un répit inattendu qui s’explique par plusieurs raisons.

Tout d’abord, l’Iran est considérablement affaibli par les sanctions économiques mises en place depuis 2018 et par sa crise politique intérieure. Récemment, le pays a aussi essuyé d’importants échecs stratégiques. La guerre à Gaza, l’offensive israélienne contre le Hezbollah et le renversement du régime de Bachar al-Assad ont significativement affaibli ses proxys et réduit son influence régionale. Les frappes israéliennes d’octobre 2024, en riposte aux salves de missiles iraniens, ont aussi entamé les capacités militaires de Téhéran.

L’élection du président Massoud Pezeshkian, ancien ministre de Rohani sous lequel l’accord sur le nucléaire avait été conclu, révèle le désir de la population de sortir de son isolement, et signifie à Washington la volonté de l’Iran de négocier un accord pour rompre avec cette asphyxie économique et éviter une escalade dont le régime ne ressortirait pas indemne.

Sous la présidence de Biden, l’Iran a aussi su habilement tisser des liens étroits avec Moscou, nouvel interlocuteur de Donald Trump dans sa quête de paix en Ukraine. En fournissant des missiles balistiques et des drones Shahed,décisifs sur le front, Téhéran espérait en retour un soutien russe.

Aussi, le 17 janvier dernier, Vladimir Poutine et son homologue iranien Massoud Pezeshkian ont conclu un « accord de partenariat stratégique global » qui couvre des domaines stratégiques tels que la défense et la coopération économique.

Si son contenu n’a pas été rendu public, l’accord pourrait inclure des clauses militaires entre les deux pays. Il concernerait aussi le fameux projet de corridor Nord-Sud (INSTC), auquel tient particulièrement Vladimir Poutine. Celui-ci, grâce à un complexe de routes ferroviaires et maritimes, ambitionne de relier Saint-Pétersbourg jusqu’à l’océan Indien en contournant l’Europe avec un passage par l’Iran.

Du côté américain, l’épreuve de force avec l’Iran n’est pas la priorité du moment. Comme il l’a martelé tout au long de sa campagne, le nouveau président a décidé de renouer avec la Russie pour mettre fin à la guerre en Ukraine. Donald Trump et Vladimir Poutine ont convenu d’entamer des négociations sous l’égide de l’Arabie saoudite, qui a accueilli une première réunion le 18 février.

Or Riyad plaide pour un apaisement avec Téhéran afin d’éviter un embrasement régional qui déstabiliserait ses exportations vitales d’hydrocarbures, notamment vers la Chine, ainsi que ses projets de développement économique et touristique post-pétrole. De son côté, l’administration américaine a aussi besoin des investissements colossaux de Mohammed Ben Salmane pour la reconstruction de Gaza.

Alors que chacun avance ses pions, ce répit entre les États-Unis et l’Iran aboutira-t-il à une détente durable marquée par l’arrêt définitif du programme nucléaire iranien et la levée des sanctions internationales ou ne sera-t-il, au contraire, que temporaire ? Des inconnues demeurent.

Tout d’abord, la perspective d’un accord exigerait de Téhéran un abandon sans équivoque de ses ambitions nucléaires militaires et une réelle volonté d’apporter des garanties tangibles.

Si Trump a rappelé sa préférence pour des négociations plutôt que pour une escalade militaire, il exige des accords stricts refusant catégoriquement d’être le président qui aura permis à l’Iran d’obtenir l’arme nucléaire.

Alors que Washington a décidé lundi 24 février un nouveau train de sanctions économiques contre le secteur pétrolier iranien, le régime a annoncé par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Seyed Abbas Araghchi, refuser des négociations directes « sous la pression, la menace ou les sanctions ». D’après le site d’information Al-Monitor, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov est venu en renfort, déclarant que « les voies diplomatiques pour résoudre le dossier nucléaire iranien existent toujours et qu’elles doivent être optimisées sans menaces ni recours à la force ».

La stratégie américaine sera décisive. Washington s’alignera-t-il sur Israël, qui voit dans l’affaiblissement conjoncturel de l’Iran une occasion historique de mener des frappes préventives contre ses sites nucléaires ou écoutera-t-il davantage la Russie et l’Arabie saoudite qui privilégient la voie de la négociation ?

Enfin, une fois la paix obtenue en Ukraine, jusqu’où ira Moscou dans son partenariat avec Téhéran ? Depuis le précédent syrien, l’Iran s’inquiète de la fiabilité de son allié russe. Lors de l’offensive éclair contre Bachar Al-Assad, Moscou n’est pas intervenu contre les rebelles islamistes, et s’est sans doute arrangé avec eux, pour préserver ses bases militaires de Tartous et Hmeimim. Pour rassurer son allié perse, le ministre russe des Affaires étrangères s’est rendu ce mardi 25 février à Téhéran. 

La veille, l’Iran a annoncé avoir mené des discussions informelles avec les E3 (France, Allemagne, Royaume-Uni) à Genève en marge de la Conférence du désarmement et du Conseil des droits de l’Homme. La communauté internationale est pressée de profiter du répit actuel pour accélérer et approfondir les discussions.

Alors que les nouveaux équilibres internationaux se dessinent, et malgré les signaux contradictoires de Washington, jamais peut être le contexte n’a été aussi favorable à la reprise des pourparlers.

Ardavan Amir-Aslani et Sixtine Dupont dans Les Echos le 09/03/2025

(Fatemeh Bahrami/ANADOLU/AFP)