Un fait que Ardavan Amir-Aslani a bien disséqué dans son ouvrage L’âge d’or de la diplomatie algérienne, paru aux éditions Média-plus, et sur lequel il est revenu sur les péripéties de cette diplomatie naissante jusqu’à l’aboutissement des Accords d’Evian.
«La politique étrangère de l’Algérie a été déjà définie sans équivoque dans ce que l’on appelle le ‘‘Programme de Tripoli’’, adopté à l’unanimité lors d’une réunion du Conseil national de la Révolution algérienne (CNRA) qui s’est tenue à Tripoli du 27 mai au 4 juin 1962», note l’auteur.
Cet unanimisme, établi en dépit des fortes tensions entre le GPRA et l’état-major de l’ALN, donnera naissance aux cinq principes de la diplomatie algérienne, toujours en vigueur jusqu’à nos jours. On citera : la lutte contre le colonialisme et l’impérialisme ; le soutien aux mouvements de lutte pour leur unité ; l’appui aux mouvements de libération ; la lutte pour la coopération internationale et la reconversion de l’ALN en puissante armée nationale.
Mais en réalité, les véritables aspirations diplomatiques des chefs du FLN ont commencé à se manifester dès le Congrès de la Soummam, le 20 août 1956. Avec la création de missions dans des pays arabes, en Indonésie, au Pakistan et à New York, le FLN fut le premier mouvement de libération du Tiers-Monde à disposer de sortes d’ambassades dirigées par des cadres puisés dans le réservoir de l’Ugema.
Dans son livre, Ardavan Amir-Aslani revient sur les premiers succès diplomatiques du FLN à Bandoeng en 1955, l’inscription de la question algérienne à l’ordre du jour de l’Assemblée générale de l’ONU le 4 février 1957, puis la création du GPRA le 9 septembre 1958, qui propulsera la diplomatie algérienne, désormais présente dans les grandes capitales du monde.
L’auteur évoque la crise qui secoue le jeune Etat durant l’été 1962, mais la diplomatie algérienne, qui a connu son âge d’or entre 1963 et 1978, résistera aux paradoxes les plus étonnants de cette période. Très bien documenté, l’ouvrage suit pas à pas le parcours et la ligne de conduite à l’échelle internationale de la diplomatie algérienne, incarnée par trois hommes entre l’automne 1962 et le 19 juin 1965 : le président Ahmed Ben Bella, destitué par un coup d’Etat militaire, Mohamed Khemisti, premier ministre des Affaires étrangères dans l’histoire de l’Algérie, mort dans un attentat le 5 mai 1963, puis son successeur, Abdelaziz Bouteflika.
L’auteur analyse l’influence de ce dernier dans les relations avec la France, à une époque qui a connu un début de remise en cause des Accords d’Evian, conséquence de la crise dite du «vin algérien», et le dossier épineux du pétrole.
L’influence de Boumediène
Le livre d’Ardavan Amir-Aslani retrace l’avènement sur la scène internationale de Houari Boumediène, après le putsch contre Ben Bella, au paroxysme de la guerre froide, avec l’émergence du mouvement des Non-Alignés, des tendances anti-impérialistes et des mouvements révolutionnaires. Durant le règne de Boumediène, qui reconduit Bouteflika à la tête des Affaires étrangères, la diplomatie algérienne va se distinguer à l’échelle de l’Afrique, pendant le conflit israélo-arabe et aussi par le soutien à la cause palestinienne et aux mouvements révolutionnaires.
Une diplomatie qui connaîtra ses heures de gloire durant les années 1970, avec la tenue à Alger, en septembre 1973, du 4e sommet des Non-Alignés, ayant réuni les grands dirigeants de l’époque, mais aussi par le mémorable discours de Boumediène prononcé le 10 avril 1974 en ouverture de l’Assemblée extraordinaire de l’ONU, réclamée par l’Algérie, qui a présidé la même année la 29e session de l’Assemblée générale de l’ONU. C’est grâce à l’Algérie que Yasser Arafat, ancien chef de l’OLP, a prononcé son célèbre discours à la tribune des Nations unies, le 13 novembre 1974.
On citera également l’accord signé à Alger en mars 1975, lors du sommet de l’OPEP, entre le shah d’Iran et l’homme fort d’Irak, Saddam Hussein, pour mettre fin au conflit entre les deux pays.
Ouvrage appréciable et très utile pour ceux qui s’intéressent à l’histoire contemporaine de l’Algérie, le travail d’Ardavan Amir-Aslani est à saluer, surtout pour la mine d’informations et les riches témoignages des nombreux acteurs de l’époque. On y trouve des pages bien étoffées sur les relations algéro-marocaines, avec un retour sur la genèse du problème complexe du Sahara occidental, les relations prudentes et souvent tendues avec la France, celles avec la Libye du colonel Gueddafi et avec l’Egypte de Nasser puis de Sadate.
Le must de ce livre demeure les pages consacrées à la rencontre historique Boumediène-Nixon à la Maison-Blanche en avril 1974 (pages 168 à 173), où on peut lire le texte déclassifié de l’entretien entre les deux présidents, en présence de l’incontournable Henry Kissinger, secrétaire d’Etat américain aux Affaires étrangères.
Arslan Selmane pour El Watan.
L’âge d’or de la diplomatie algérienne d’Ardavan Amir-Aslani . Disponible sur Amazon.
Média-plus – 2015 – 240 pages