Après l’assassinat du Général Soleimani à l’aéroport de Bagdad le 3 janvier 2020 et la réaction iranienne, matérialisée par des frappes contre des bases américaines en Iraq, il était permis de croire que les tensions entre les Etats-Unis et l’Iran avaient pris le chemin de la pente descendante. Surtout que les deux pays semblaient davantage préoccupés par une crise majeure du coronavirus sur le plan domestique. Tout le contraire semble être le cas aujourd’hui. Etonnamment, à un moment où les américains s’apprêtaient à réduire leur présence militaire en Iraq, entre autres du fait des craintes de voir les troupes qui y sont stationnées être frappées par le virus du Covid-19, un rapport du Pentagon vient d’être rendu public, où il est question pour les Etats-Unis de se lancer dans une initiative militaire particulièrement hasardeuse contre un groupe de miliciens chiites, Kataeb Hezbollah, en Iraq. Cette initiative visait, aussi bien à détruire l’infrastructure militaire de ce groupe que de cibler ses dirigeants, dont l’un d’entre eux, Abu-Mahdi Al-Muhandis, avait été pris pour cible concomitamment avec le général Soleimani.Or, dès réception de ce rapport, le lieutenant-général Robert P. White, commandant l’armée américaine en Iraq, a réagi très violemment en soulignant qu’une telle initiative allait être sanglante et risquerait d’entrainer des conséquences contre-productives avec une guerre possible en ligne de mire avec l’Iran. Ce dernier, a parallèlement soulignait qu’une telle initiative militaire nécessiterait des milliers de soldats américains supplémentaires en Iraq et ne manquerait pas de détourner l’armée américaine de sa mission historique qui consistait à assurer la formation des troupes iraqiennes dans leur combat contre l’État islamique. Ce général a, par ailleurs, insisté sur le fait que cette initiative allait également à l’encontre des dispositions de l’accord américain avec le gouvernement iraqien autorisant les troupes américaines à opérer dans le pays.
De même, la hiérarchie militaire américaine, incarnée par le secrétaire à la Défense Mark T. Esper et le général Mark A. Milley, le chef d’état-major des armées a manifesté son opposition en soulignant le fait qu’une action militaire était susceptible de déstabiliser encore davantage le Moyen-Orient, à un moment où la politique américaine, suite à une déclaration de Donald Trump, consistait à réduire le nombre de troupes américaines dans la région. Ces mêmes responsables américains ont rappelé que toute initiative militaire à l’encontre de ce mouvement devait nécessairement faire appel aux dizaines de milliers de soldats américains déployés dans la région et actuellement stationnés notamment en Arabie saoudite et dans les autres pétro-monarchies du golfe Persique.
Dans ce contexte de tension croissante, les Etats-Unis ont aussi déployé, aux pourtours du golfe persique, des batteries de défense antiaérienne Patriot, un deuxième porte avion nucléaire, des bombardiers B-52 ainsi que des drones Reaper armés.
L’idée sous-jacente à ce rapport, établi sur instructions du secrétaire d’État Mike Pompeo et Robert C. O’Brien, le conseiller à la sécurité nationale, était de tenter d’anéantir les milices soutenues par l’Iran sur le territoire iraquien, à un moment où l’Iran était occupait par le combat contre la crise pandémique du coronavirus qui touchait sévèrement sa population.
Pour compliquer davantage les conséquences d’une telle initiative, il convient de rappeler que le Kataeb Hezbollah, à l’instar du Hezbollah libanais, comprend à la fois des composantes militaires et un parti politique entretenant des liens très proches avec le gouvernement et les parlementaires iraquiens, sans même parler du milieu des affaires et des organisations caritatives. En effet, c’est un secret de polichinelle que l’Iran emploie depuis des décennies des milices chiites autant en qualité de milices combattantes que comme un moyen d’exercer son influence politique.
Tout ceci n’augure de rien de bon dans un avenir proche. Il est fort à parier qu’un conflit militaire d’envergure se dessine à un moment où aussi bien Donald Trump, en pleine campagne présidentielle, que la théocratie iranienne, fortement critiquée pour la détresse économique qui sévit dans le pays et sa gestion désastreuse de la crise du coronavirus, ont intérêt à la surenchère.
Par Ardavan Amir-Aslani.
Paru dans l’Atlantico du 29/03/2020.