Depuis quelques mois, l’Afghanistan est le théâtre d’assassinats ciblant des personnalités connues et moins connues de la vie civile et plus particulièrement les jeunes femmes.
Vague de meurtres ciblés de jeunes femmes
Depuis quelques années en Afghanistan, des journalistes, des religieux, des hommes politiques et militants des droits de l’Homme sont la cible d’attaques terroristes meurtrières au sein du pays. Les membres des forces de l’ordre ont également été victimes d’assassinats à Kaboul notamment par l’installation de mines placées sur les bords de route. Cependant, ces derniers mois, les jeunes femmes afghanes occupant des hauts postes ou des positions clés dans le monde de l’information ou de la justice semblent faire l’objet d’une attention accrue des terroristes. Le 4 mars dernier, à Jalalabad, ville située à l’est de Kaboul, une femme médecin a été victime d’un attentat à la voiture piégée. Quelques jours plus tôt, trois jeunes femmes afghanes, journalistes, âgées de 20 à 25 ans travaillant pour Enikass-TV, une chaîne de télévision locale, ont été abattues dans des lieux séparés, dans le cadre d’attaques coordonnées. Une quatrième jeune femme a été gravement blessée mais n’a pas péri dans l’attaque. Quelques mois plus tôt, une présentatrice âgée de 26 ans avait également été abattue au volant de sa voiture. En janvier 2021, deux femmes juges auprès de la Cour suprême afghane avaient été tuées par balle à Kaboul par deux hommes affiliés à des groupes terroristes. La Cour suprême était déjà dans le collimateur des groupes terroristes depuis quelques mois déjà puisque celle-ci avait déjà essuyé un attentat suicide en février 2017, visant une foule d’employés, qui avait engendré une vingtaine de morts et plus du double de blessés. 200 femmes juges travaillent actuellement dans cette institution. Certains attentats ont été revendiqués par les Talibans, principal groupe terroriste en Afghanistan ou encore par Daech. L’Afghanistan détient d’ailleurs depuis 2018 le record macabre du nombre de morts liés aux attentats avec environ 7000 morts par an, passant devant l’Irak.
Un regain de violence coïncidant avec la fin d’une guerre interminable avec les États-Unis
L’Afghanistan est dans l’œil du cyclone américain depuis les attentats du 11 septembre 2001 revendiqués par Al-Qaeda. En plus des guerres contre les pays de l’ « axe du mal » (expression de Georges W. Bush à la suite de l’effondrement des deux tours jumelles), correspondant à l’Irak sous le régime de Saddam Hussein, l’Iran et la Corée du Nord, les États-Unis ont également mené une guerre à et en l’Afghanistan de 2001 à 2014. S’embourbant dans ce conflit interminable, l’administration Trump a initié le début de la fin de la guerre en janvier 2020 en signant un accord avec les Talibans qui a entériné un retrait complet des troupes américaines d’ici mai 2021, en échange de la stabilisation de la région forcée. La présence des forces américaines en Afghanistan se situe aujourd’hui à 2500 hommes, chiffre au plus bas depuis les attentats du 11 septembre 2001. L’OTAN en revanche, qui a toujours 6500 soldats en place dans la région, a déclaré qu’elle n’avait pas encore décidé le retrait de ses troupes comme cela était prévu dans le cadre de l’accord négocié entre les Talibans et l’administration Trump. Profitant de la réduction d’effectif américain et de l’incertitude planant dans le pays depuis quelques mois, les terroristes se sont engouffrés dans la brèche d’instabilité pour semer le chaos dans un pays fragilisé par 40 ans de luttes inter-afghanes, au milieu des conflits entre les Soviétiques, les Américains et les alliés dont la France. Ainsi, les terroristes présents sur le sol afghan attaquent les forces armées et la population civile quasiment quotidiennement depuis quelques mois. En 2020, plus de 18 000 attaques ont été perpétrées par les Talibans selon les renseignements afghans. Ce regain de violence est observable très nettement malgré les négociations de paix qui ont lieu en parallèle entre le gouvernement afghan et les Talibans au Qatar qui joue le rôle de médiateur. Les pourparlers sont en effet dans l’impasse tant les modalités de l’après-guerre américaine sont complexes à déterminer. L’administration Biden a quant à elle gelé toute décision pour se laisser le temps d’évaluer la situation actuelle et les solutions possibles. Joe Biden devra rapidement décider si l’accord signé par son prédécesseur restera en vigueur ou si les termes devront changer. Du côté de l’Afghanistan, la colère gronde au sein du peuple qui critique l’incapacité du gouvernement à endiguer la vague d’assassinats. Toutefois, le gouvernement afghan se veut rassurant. Le président afghan, Ashraf Ghani, a déclaré que « L’Afghanistan n’est pas le Vietnam », que n’est pas un « gouvernement qui s’effondre », et qu’il ne craint nullement une prise de pouvoir militaire par les Talibans.
Reste à voir s’il a raison !
Par Ardavan Amir-Aslani.
Paru dans Le Nouvel Economiste du 10/03/2021.