Un peu plus de trois mois avant la tenue des élections parlementaires, l’entrée en scène de cet homme, pur produit de l’armée israélienne, risque de bousculer la donne communément admise et qui désigne le premier ministre actuel comme gagnant à l’occasion des prochaines élections. Alors qu’il était particulièrement courtisé par l’ensemble des partis politiques israéliens depuis qu’il a quitté l’uniforme, il y a trois ans, son choix semble s’être porté sur celui de l’indépendance. Le titre choisi pour son parti, la « résilience ou l’invulnérabilité israélienne » en fonction des traductions, ne dit pas grand-chose sur les orientations nationales et internationales qu’il pourrait donner à la politique israélienne. Il semble en tout cas ne pas vouloir positionner son parti à droite car dans une interview octroyée, le jour même de la création de ce parti, Netanyahu a réagi en déclarant qu’il ne se « mêlait pas des affaires internes de la gauche ». Ni de gauche ni de droite, le parti de Gantz est un parti qui se situe au centre.
Quand bien même ce parti serait de gauche, « gauche » ne signifie pas cependant laxisme sur le plan sécuritaire comme aimerait le faire croire Netanyahu; sujet sensible s’il en est, à un moment où ce pays est confronté à un véritable encerclement par l’Iran et ses alliés. Au nord avec le Hezbollah, mieux armé et entrainé que jamais du fait de sa participation dans la guerre civile syrienne, un Hamas qui cherche le conflit avec Israël dans l’espoir de d’attirer la sympathie des médias internationaux lui permettant de mettre un terme au blocus qui l’isole et enfin avec la présence iranienne et de ces alliés en Syrie, Israël est plus que jamais enfermé dans sa forteresse.
Gantz, en effet, ne peut être soupçonné d’une quelconque faiblesse sur la question de la sécurité. Il a été de toutes les guerres, de celle du Liban sud en 1978 jusqu’à la fin de son mandat au sommet de l’armée israélienne. En revanche, Netanyahu, lui, a été fustigé aussi bien par ses opposants que par les membres de sa propre coalition pour sa réponse « mi chaud mi froid » au conflit contre le Hamas à Gaza en novembre dernier. Rappelons qu’Avigdor Lieberman a estimé que l’accord conclu avec le Hamas était une « capitulation devant le terrorisme » et a démissionné de ses fonctions de ministre de la défense. C’est d’ailleurs cette démission qui a fini par convaincre Netanyahu d’aller devant les urnes de manière anticipée.
L’arrivée de Gantz dans la vie politique israélienne, à un moment où Netanyahu est affaibli par des accusations de faiblesse et par des menaces de poursuites judiciaires pour faits de corruption, tombe donc à pic. Benny Gantz est perçu, quasi unanimement par la population israélienne, comme ayant la trempe d’un homme d’Etat et pouvant incarner un véritable espoir de renouveau, à un moment où la société israélienne souffre d’un sentiment de fatigue après presque une décennie de pouvoir du premier ministre actuel.
De surcroit, le contexte géopolitique est particulièrement délicat en ce moment. La possibilité d’une nouvelle guerre avec le Hezbollah parallèlement à une nouvelle occupation de Gaza se confirme de jour en jour, ne serait-ce qu’à travers la symbolique de la destruction des tunnels inusités creusés au nord par le Hezbollah. Netanyahu, incarnant une vision irrédentiste des enjeux géopolitiques, se trouvera en opposition par rapport à la vision qu’incarne Benny Gantz, davantage construite sur la modération. Rappelons qu’avant la régularisation du fameux accord iranien sur le nucléaire, à un moment où Netanyahu envisageait très sérieusement des frappes sur les sites nucléaires iranien, ce fut notamment Benny Gantz qui s’y opposa en réussissant à convaincre le gouvernement de l’absence d’un risque de frappe iranienne considérant qu’une action militaire israélienne ne pourrait que renforcer la pérennité du pouvoir de Téhéran en ralliant la population derrière lui.
Victorieux aux élections à venir ou simplement acceptant le poste de ministre de la défense, Benny Gantz sera immanquablement un facteur de modération dans la politique étrangère israélienne.
Retrouvez l’article sur l’Atlantico.