Le récent clash militaire entre l’Inde et le Pakistan, à la suite de l’attentat meurtrier contre un véhicule de transport de l’armée indienne dans la partie du Kashmir contrôlée par New Delhi, est porteur de leçon. En effet, le MIG 21 indien de fabrication russe abattu par une F-16 pakistanaise de construction américaine traduit symboliquement le retard de l’arsenal militaire indien par rapport à son frère ennemi le Pakistan. En effet, alors que l’armée pakistanaise est moitié moins importante que celle de son rival indien dont le budget est quatre fois supérieur, cet incident ne laisse aucun doute sur la supériorité des capacités défensives d’Islamabad par rapport à celles de New Delhi.
D’après les experts, l’armée indienne, en cas de conflit, ne disposerait que de l’équivalent de 10 jours de combats en munitions et presque 70% de ses équipements seraient désuets. Sur un budget de 45 milliard de USD alloués à la défense seulement une faible portion soit la somme de 14 milliards est destinée à être utilisé pour l’acquisition d’équipements militaires, le solde étant consacré aux salaires et pensions de retraites de l’armée indienne composée d’un million deux cents mille soldats. Cette allocation équipementière n’est pas près d’être revue à la hausse car l’importance de l’armée indienne est également due à la volonté de New Delhi d’utiliser le budget de la défense pour enrayer autant que faire se peut le chômage.
Parallèlement, en l’espace d’une décennie les ventes d’armements par les Etats-Unis à New Delhi ont augmenté de zéro à plus de 14 milliards ce qui traduit la nouvelle volonté d’engagement des Etats-Unis d’ériger un partenariat militaire avec l’Inde face à l’émergence de la Chine avec ses stratégies hégémonistes dans la région. L’Inde est en effet destinée à devenir l’allié américain face à l’expansionnisme chinois. Ceci est un bouleversement stratégique car jusqu’au début des années 2000 le partenaire américain en Asie du Sud n’était autre que le Pakistan. Or, ce dernier a perdu la confiance des Américains avec ce que Washington perçoit comme étant le soutien apporté par Islamabad au terrorisme islamiste dans la région. L’évènement marquant de cette rupture étant l’asile de fait octroyé à Ben Laden au Pakistan malgré les négations des autorités pakistanaises. Le partenariat économique entre le Pakistan et la Chine est aussi une source d’inquiétude pour Washington. Conscient du rapprochement qui s’est opéré ces quinze dernières années entre l’Inde et les Etats-Unis, Beijing a mis les bouchées doubles sur le Pakistan, l’incorporant dans sa stratégie de route de la soie en octroyant presque 50 milliards d’aide économique à ce pays.
La construction d’une base navale majeure chinoise sur le port de Gwaidor, également de construction chinoise, au Pakistan visant à encercler l’Inde et faire de la Chine une puissance maritime dans l’océan indien, n’a fait qu’aggraver les choses. En réponse, en 2018, le Pentagone a rebaptisé son commandement du Pacific, le commandement « Indo-pacifique » de manière à démontrer que Washington n’allait pas se laisser faire et que l‘Inde deviendra le porte avion américain en Asie du Sud.
Pareillement et afin de court-circuiter le Pakistan, les Indiens investissent dans le port iranien de Chah Bahar, contournant le territoire pakistanais et répondant du tac au tac à Islamabad. Ce port iranien est également destiné à désenclaver l’Afghanistan en donnant à Kabul l’accès à l’océan indien et à réduire de la sorte l’emprise pakistanaise sur ce pays.
Par Ardavan Amir-Aslani
Paru dans le Nouvel Economiste du 7 mars 2019.