Le 8 mai 2020 était la date du second anniversaire du retrait américain de l’accord nucléaire du 14 juillet 2015 entre l’Iran et les cinq membres permanents du conseil de sécurité de l’ONU plus l’Allemagne et l’union européenne. L’administration Trump n’avait d’ailleurs jamais caché sa volonté de sortir les Etats-Unis de cet accord, qualifié par Trump comme « le pire accord jamais négocié par les Etats-Unis». Il s’agissait là d’un énième assaut mené par le Président américain nouvellement élu contre tous les acquis de l’administration Obama. Après l’abrogation des mesures de protection de l’environnement, du climat et la sécurité sociale pour tous, il fallait que Trump s’en prenne à cet accord qui était l’exploit phare de l’administration d’Obama et qui avait obtenu l’adhésion de la communauté internationale entière ! Les Etats-Unis se sont donc retrouvés comme le seul pays signataire ayant quitté l’accord.
L’objectif déclaré de Washington était d’appliquer à l’Iran une politique de pression maximale afin de contraindre ce pays à se remettre autour de la table en vue de la renégociation d’un nouvel accord nucléaire. Ce nouvel accord vu de Washington devait (i) mettre un terme à la quête du nucléaire pour l’éternité, (ii) imposer à l’Iran l’arrêt de son programme de missiles balistiques et (iii) un retrait complet de son influence dans la région du moyen orient. Ces demandes américaines auraient eu pour conséquence, si elles avaient été acceptées par Téhéran, de priver l’Iran des moyens d’assurer sa défense, il ne faut pas oublier que le pays fait également l’objet d’un embargo sur les armes conventionnelles. Autant dire que l’Iran se serait engagé à se désarmer complémentent.
Bien évidemment, l’Iran opposa à Washington un front de refus et face à la « pression maximale » américaine, l’Iran présenta une « résistance maximale ». Le problème de fond pour les Etats-Unis concernant le dossier iranien était qu’il ne restait plus grand-chose à sanctionner. Tous les secteurs industriels étant déjà visés en ce y compris le secteur pétrolier, il ne restait plus à Washington qu’à s’en prendre aux officiels iraniens, dont le ministre des Affaires étrangères Zarif en lui interdisant, au mépris du droit international, l’accès au siège de l’ONU à New York.
Or, loin de contraindre l’Iran à s’asseoir à la table des négociations, cette pression maximale américaine a amené, à plusieurs reprises, les deux pays au bord de la guerre; une première fois à l’occasion de la destruction du drone américain au-dessus des eaux territoriales iraniennes, une seconde fois lors de la destruction des installations pétrolières saoudiennes par des missiles cruise, vraisemblablement à l’initiative de l’Iran, même si revendiquée par les Houthis du Yémen et enfin à l’occasion de l’assassinat du Général Soleimani en Iraq suivi, en retour, par les frappes iraniennes sur les bases américaines.
Les tensions sont loin de s’apaiser, le harcèlement que font subir, au quotidien, les navires iraniens à la marine américaine peuvent à chaque instant déraper en conflit ouvert. Le récent placement en orbite d’un satellite militaire par l’Iran n’a fait qu’exacerber les sentiments d’hostilité de Washington à l’égard du pouvoir iranien. Par dépit, le secrétaire d’Etat américain a même eu recours à des dispositions de l’accord nucléaire dont les Etats-Unis ne faisaient plus partis, lui fournissant une base juridique pour condamner l’Iran pour son programme spatial.
Des occasions se sont pourtant présentées et auraient pu permettre aux deux parties de renouer des liens. La crise du Covid-19 suivie d’une demande de prêt iranienne adressée au Fonds Monétaire International aurait pu créer un rapprochement, si cette demande n’avait pas été rejetée par Washington. Le récent crash des cours pétroliers ne fait pas non plus l’affaire de Washington. Etonnamment, de tous les pays producteurs de pétrole, l’Iran est celui qui encaisse le mieux la chute des cours du fait de son accoutumance à des sanctions américaines. Ainsi, la marge de négociations américaines se réduit de jour en jour, ce d’autant que l’Iran, en privatisant des pans entiers de l’économie détenue par l’Etat, semble avoir trouvé de nouvelles sources de financement pour ses finances publiques. Parallèlement, son influence dans la région ne cesse de s’agrandir avec d’une part l’incapacité des saoudiens de venir à bout des Houthis, d’autre part l’arrivé au pouvoir du nouveau premier ministre pro-iranien à Bagdad et enfin l’enracinement d’Assad à Damas.
A ce rythme-là, la pression maximale américaine devra encore durer des décennies avant que Téhéran ne fléchisse.
Par Ardavan Amir-Aslani.
Paru dans l’Atlantico du 10/05/2020.