« L’Amérique est de retour » a déclaré Joe Biden au dernier sommet du Groupe des Sept (G-7), qui s’est tenu le 19 février dernier par voie de visioconférence, soit un mois pile après son arrivée au pouvoir. Alors que son administration entreprend de détricoter les principales politiques de l’administration Trump, le président américain a profité de son premier auditoire international pour promettre à nouveau un engagement inébranlable à ses alliés européens fraichement retrouvés après quatre ans de désaccords et crises diplomatiques avec son prédécesseur.
« L’Amérique est de retour », de même que l’alliance transatlantique
Joe Biden n’a eu de cesse de répéter durant la campagne présidentielle qu’il s’engageait fermement à rompre avec l’isolationnisme voulue par son prédécesseur, qui ne jurait que par son slogan « L’Amérique d’abord ». Afin de regagner la position de leader du monde dit libre, Joe Biden conscient de la rupture avec les dirigeants européens, a réaffirmé sa détermination à renouer avec ces derniers. Le président américain a également averti que le monde était à « un point d’inflexion » dans la lutte des démocraties contre la montée des autocraties, estimant que « l’avancée de la démocratie est attaquée » dans « beaucoup trop d’endroits, y compris en Europe et aux États-Unis ».
Un retour des grandes puissances à la table des négociations avec l’Iran
Joe Biden a déclaré officiellement que les États-Unis étaient prêts à reprendre les négociations avec l’Iran au sujet de l’accord multilatéral sur le nucléaire iranien de 2015 (JCPOA), abandonné unilatéralement par l’Amérique de Donald Trump en mai 2018. Cette annonce officielle intervient après que Téhéran ait informé l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) de son refus de continuer à autoriser les vérifications des inspecteurs de l’AIEA sur les sites iraniens tant que les États-Unis ne revenaient pas sur l’intégralité des sanctions prononcées à l’encontre de la République islamique. D’ailleurs, Joe Biden n’est pas le seul à vouloir relancer la machine puisque la chancelière allemande s’est également exprimée en faveur : « … d’une nouvelle chance pour cet accord …». Mais Joe Biden a également mis en garde la communauté internationale quant aux « activités déstabilisatrices » de l’Iran au Moyen-Orient, sans toutefois donner plus de précisions.
La diplomatie du vaccin
Face à la crise profonde engendrée par la pandémie mondiale, Joe Biden a annoncé un déblocage de 4 milliards de dollars pour soutenir l’effort international d’achat et de distribution de matériel médical aux pays dans le besoin, tout en encourageant ses partenaires du G-7 à honorer leur promesse envers le système COVAX, un programme de l’Organisation mondiale de la santé centré sur les vaccins destinés à des pays en voie de développement. Donald Trump s’était retiré de ce programme ainsi que de l’OMS, jugeant que celle-ci était complice de la dissimulation d’agissements fautifs de la Chine dans le déclenchement de la crise sanitaire. Emmanuel Macron soutient l’initiative de son homologue américain et appelle les pays européens et les États-Unis à allouer jusqu’à 5% des stocks de vaccins actuellement disponibles au COVAX. Joe Biden a néanmoins précisé que la population américaine ne serait pas vaccinée en totalité avant la fin du mois de juillet et qu’ainsi l’effort serait concentré sur le sol américain d’ici là.
Des positions divergentes dans les défis économiques et sécuritaires posés par la Chine et la Russie
Outre la crise de la Covid-19 et la réaction pressante au nucléaire iranien, Joe Biden a également honoré sa promesse de rejoindre le jour du sommet, l’Accord du climat de Paris, abandonné par son prédécesseur en juin 2017. Le président américain estime en effet que le réchauffement climatique est une « crise existentielle mondiale » dont les conséquences seront subies par tous en cas d’échec. Joe Biden, sur tous les fronts, n’en a pas pour autant oublié ses priorités. En effet, en tête des préoccupations américaines, se trouvent bien entendu la Chine et la Russie. La Chine est pointée du doigt par le président américain pour ses abus économiques et son rôle dans les souffrances des Ouïghours. La Russie est également en ligne de mire de Washington qui accuse Putin de « diviser pour mieux régner » en sabotant l’unité transatlantique. Il a notamment mentionné SolarWinds, la dernière cyberattaque contre les réseaux informatiques et fédéraux des entreprises américaines, qui appelle selon lui une contre-attaque de concert au nom de la sécurité collective. Joe Biden affirme ainsi qu’une coopération étroite sera nécessaire, notamment pour contrer la concurrence stratégique accrue dans les domaines du cyberespace, le nucléaire, l’intelligence artificielle et la biotechnologie qui s’inscrira dans la durée avec la Chine et la Russie.
Une Europe entre deux feux
Une fois n’est pas coutume, les Européens expriment une certaine résistance vis-à-vis de leur allié américain. En effet, les alliés, avec en tête Angela Merkel, sont plus de l’avis de « développer un programme commun sur la Chine », la Chine étant un concurrent systémique certes, mais également – et surtout – un partenaire économique incontournable et indispensable. Le marché important entretenu par les allemands avec la Chine notamment sur le secteur automobile et la Russie avec le gazoduc Nord Stream, en sont la preuve. La France quant à elle, milite pour « l’autonomie stratégique ». Mais pour que cette autonomie stratégique soit réelle, il faudrait, comme l’a souligné le président français, que l’Europe assume « une plus grande part du fardeau de [sa] propre sécurité ». Cependant, les pays européens ne semblent pas prêts à augmenter leurs dépenses dans ce secteur, préférant confier leur sécurité aux États-Unis. Ainsi, l’Europe dépend de puissances telles que la Chine et la Russie d’un point de vue économique et des États-Unis sur le plan sécuritaire. Le résultat de cette façon de faire a pu être observé au moment du retrait du JCPOA de Donald Trump qui a poussé les puissances européennes à lui emboiter le pas contre leur gré, par faute d’autonomie stratégique justement.
Ainsi, la rhétorique est une chose mais les moyens d’implémenter la stratégie en sont une autre.
Par Ardavan Amir-Aslani et Inès Belkheiri.
Paru dans Le Nouvel Economiste du 23/02/2021.