Donald Trump semble privilégier un accord, mais Israël voit dans l’affaiblissement de Téhéran une occasion unique de neutraliser son programme nucléaire
Les 4 et 5 février derniers, le président Trump et le Premier ministre Netanyahu se sont entretenus à Washington sur la situation au Proche-Orient. D’après les observateurs, l’avenir du programme nucléaire iranien aurait été abordé en marge des discussions.
Divergences stratégiques face à l’Iran
Bien qu’ils aient rappelé leurs vues communes lors de la conférence de presse, des divergences semblent subsister quant à la stratégie à adopter vis-à-vis de l’Iran.
Alors que le président Trump semble privilégier un accord, Israël voit dans l’affaiblissement de Téhéran une occasion unique de neutraliser, ou du moins de retarder, son programme nucléaire.
L’Iran traverse en effet une période particulièrement délicate. Depuis le 7 octobre, le pays a essuyé de lourdes pertes stratégiques. La guerre dans la bande de Gaza, l’offensive israélienne contre le Hezbollah et la chute du régime d’Assad – son principal allié et pivot de son soutien militaire – ont considérablement affaibli ses proxys et mis à mal sa capacité de dissuasion.
Iran-Israël, un cran de plus
Si les relations entre l’Iran et Israël ont toujours été chaotiques depuis la révolution islamique, l’année 2024 a marqué une escalade inédite, avec les premiers affrontements directs entre les deux États. Des séries d’attaques et de ripostes ont culminé en octobre 2024 avec des frappes israéliennes contre des sites iraniens de fabrication de missiles et d’équipements de défense aérienne, portant un coup sévère aux capacités militaires de Téhéran.
Ces succès israéliens ont renforcé la position de Netanyahu, qui voit dans cette conjoncture une opportunité historique d’agir contre le programme nucléaire iranien, perçu comme une menace existentielle pour Tel-Aviv.
Benjamin Netanyahu s’est également senti conforté par l’élection de Trump. Contrairement à Joe Biden, son administration a immédiatement autorisé la livraison de bombes MK-84, renforçant ainsi l’avantage militaire d’Israël.
Un contexte défavorable
Cependant, bien que Donald Trump soit un soutien indéfectible d’Israël, il semble soucieux d’éviter un embrasement régional. Le 47e président des États-Unis a fait de la paix une priorité de son mandat et ne prendrait probablement pas le risque de déclencher une nouvelle guerre au Moyen-Orient.
De plus, le contexte géopolitique ne se prête pas à une escalade. Washington est en pleins pourparlers sur l’Ukraine avec Moscou, avec lequel l’Iran a signé un partenariat de sécurité le mois dernier. Par ailleurs, ces négociations se déroulent sous l’égide de l’Arabie saoudite, qui a un besoin impératif de stabilité dans le Golfe pour garantir ses exportations d’hydrocarbures, notamment vers la Chine, comme pour mener à bien son développement économique et touristique post-pétrole. De son côté, Donald Trump a besoin de l’appui de MBS pour reconstruire Gaza et sortir de l’impasse.
Quels termes pour l’accord ?
Pour autant, reste la question des termes de cet éventuel accord sur le nucléaire iranien. Si le président Massoud Pezeshkian a affirmé que l’Iran ne cherchait pas à se doter de l’arme nucléaire afin de rassurer la communauté internationale et d’accélérer les négociations, Téhéran refusera sans doute tout accord calqué sur le modèle libyen. En 2003, Kadhafi avait renoncé au développement de son programme nucléaire en échange d’une normalisation avec l’Occident. Huit ans plus tard, il était renversé par une révolution de rebelles soutenue par une coalition occidentale. Bien que Trump ne soit pas partisan de la doctrine du “regime change”, la République islamique d’Iran redoute de subir le même sort.
En définitive, Donald Trump et Benjamin Netanyahu n’ont pas fini de débattre de la meilleure façon de contenir l’Iran. On comprend dès lors que malgré son goût pour la provocation, le président Trump est d’une extrême prudence vis-à-vis de l’Iran, semblant vouloir pour une fois laisser du temps au temps.
Maelström moyen-oriental,
Ardavan Amir-Aslani et Sixtine Dupont publié sur Le nouvel Economiste le 24/02/2025
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