En termes de stratégie géopolitique, le choix réside dans le dialogue ou le conflit. Certains pays semblent avoir choisi la voie de la confrontation. Le modus operandi est limpide : choisir un pays qui deviendra un “ennemi utile” afin de justifier une rhétorique sécuritaire plus ou moins agressive.
La Corée du Nord est tristement célèbre pour l’entretien de la tension et de la confrontation avec la communauté internationale, ce qui lui permet de contrôler son peuple d’une main de fer, mais également, paradoxalement, d’obtenir l’aide humanitaire internationale.
Russie, de la défense à l’attaque
Alors que la doctrine militaire russe était historiquement défensive, depuis la fin de la guerre froide, la Russie a adopté une stratégie militaire beaucoup plus offensive. Depuis la dislocation de l’URSS, la multiplication des conflits diplomatiques et militaires entre l’armée russe et différentes puissances (guerre de Tchétchénie, annexion de la Crimée) sur terre et en mer (Baltique et Méditerranée) a révélé une agressivité voulue et assumée de la part des Russes, à l’image de leur dirigeant populaire et autoritaire.
L’Arabie saoudite contre les chiites
À l’autre bout du monde, le prince héritier Mohammed Ben Salmane (MBS), à la tête de l’Arabie saoudite, a également choisi comme mot d’ordre la répression et la confrontation afin de consolider son pouvoir autoritaire.
“Mohammed Ben Salmane (MBS), à la tête de l’Arabie saoudite, a également choisi comme mot d’ordre la répression et la confrontation afin de consolider son pouvoir autoritaire”
Décidé à combattre le chiisme en raison de son éloignement du courant sunnite porté notamment par l’Arabie saoudite, le royaume saoudien a orienté ses politiques et ses guerres contre les rebelles chiites houthis au Yémen et surtout contre l’Iran, car tous deux représentent le courant chiite. MBS a en effet ciblé ses efforts sur l’Iran afin de le dépeindre comme le pays de la région à abattre, en s’efforçant de montrer la dangerosité du gouvernement et de sa politique de prolifération nucléaire, sur la même ligne qu’Israël et les États-Unis.
Israël contre l’Iran
L’attitude virulente et confrontationnelle n’est également pas étrangère à Israël qui, de même que l’Arabie saoudite, a démontré une virulence constante envers l’Iran. En raison de son alliance historique et pérenne avec les États-Unis, Jérusalem a ciblé l’Iran, notamment à l’époque de la présidence de Mahmoud Ahmadinejad dont le discours à l’égard d’Israël était particulièrement violent. Celui-ci dénonçait une politique domestique ségrégationniste et une occupation du territoire palestinien qu’il estimait illégale, appelant ainsi ouvertement à “rayer de la carte” l’État hébreu.
“L’attitude virulente et confrontationnelle n’est également pas étrangère à Israël qui, de même que l’Arabie saoudite, a démontré une virulence constante envers l’Iran”
Depuis, les présidents iraniens successifs continuent de stigmatiser l’occupation des territoires palestiniens et le sort imposé à la bande de Gaza par Jérusalem, mais n’utilisent pas les termes extrêmes du président Ahmadinejad. Pourtant, Jérusalem n’infléchit pas sa ligne dure envers l’Iran. Le gouvernement israélien continue de critiquer avec véhémence les “crimes” du régime iranien et de mettre en garde la communauté internationale contre la volonté de domination régionale de l’Iran et les risques inhérents à l’avancée de son programme nucléaire et balistique. Ces appels à la vigilance ont été accompagnés de nombreuses frappes menées par l’État hébreu ces dernières années. Les moyens consacrés à l’armée révèlent même une tendance à l’accentuation de la confrontation. En effet, le budget de la défense israélienne, du haut de ses 17 milliards de dollars pour 2022, dont 1,5 milliard uniquement alloué au réarmement contre l’Iran, démontre qu’en plus d’être une puissance nucléaire depuis 1967, Israël est également une puissance militaire et économique.
La politique gagnante de l’usure
Ainsi il semblerait, d’après ses adversaires, qu’Israël ne cherche pas la paix mais veuille gagner du temps et avoir ses ennemis à l’usure. Cette politique étrangère volontairement proactive se révèle d’ailleurs indéniablement gagnante. En effet, la reconnaissance de l’État hébreu par des pays arabes était encore inimaginable il y a quelques décennies. Or aujourd’hui, en raison des tractations politiques et des alliances économiques nouvelles, le drapeau d’Israël flotte depuis 2020 au Maroc, aux Émirats arabes unis, au Soudan et au Bahreïn dans le cadre des “Accords d’Abraham”.
“Il semblerait, d’après ses adversaires, qu’Israël veuille gagner du temps et avoir ses ennemis à l’usure. Cette politique étrangère volontairement proactive se révèle indéniablement gagnante. En effet, la reconnaissance de l’État hébreu par des pays arabes était encore inimaginable il y a quelques décennies.”
Les États-Unis, allié le plus proche d’Israël, ont également considéré que la meilleure défense était l’attaque, puisque Washington a aussi choisi la confrontation, économique cette fois, à l’égard de l’Iran, pour tenter de sanctionner ses dirigeants par l’intermédiaire de sanctions économiques s’étalant sur des décennies. Bien que ces sanctions aient paralysé l’économie iranienne, elles n’ont toutefois pas fait plier les gouvernements successifs, démontrant ainsi les failles de la stratégie de confrontation.
Clausewitz définit la guerre comme un “acte de violence dont l’objectif est de contraindre l’adversaire à exécuter notre volonté”, mais la considère également comme le “prolongement de la politique par d’autres moyens”. La stratégie de confrontation sera-t-elle plus efficace que l’option de la paix ? L’histoire nous le dira.
Par Ardavan Amir-Aslani.
Paru dans Le Nouvel Economiste du 17/11/2021.