Ces derniers jours, le Moyen-Orient a été témoin de frappes iraniennes sur différentes cibles en Syrie, en Irak et au Pakistan, qui n’ont pas manqué d’exacerber les tensions, déjà très à vif dans la région. En effet, il semble que l’Iran ait décidé d’adopter la même stratégie que les Américains, c’est-à-dire frapper durement ceux qui s’en sont pris à sa sécurité. En l’occurrence, peu de temps après les attaques terroristes qui ont frappé l’Iran, Téhéran a réagi directement en s’en prenant aux terroristes que le pays considère être à l’origine des attentats perpétrés sur son territoire national, notamment ceux intervenus à l’occasion de la commémoration de l’assassinat du général Soleimani à Kerman, et celui qui a visé les forces de l’ordre dans les provinces iraniennes de Sistan et de Baloutchistan. Ces deux attentats ont eu un bilan tragique avec plus d’une centaine de morts. L’Iran ne pouvait donc laisser sans réponse ces actes terroristes qui ont visé sa population. En cela, l’Iran suit précisément l’attitude américaine qui réagit pareillement lorsque ses propres forces sont visées par des proxies iraniens.
Un moment sensible
En imitant les Américains, l’Iran cherche à véhiculer le principe selon lequel aucune action agressive visant l’Iran resterait impunie. En cela, il y a symbiose entre la position de Téhéran et celle de Washington. Ce qui est nouveau en revanche dans la réaction iranienne, c’est qu’elle se transpose sur un plan pratique directement par les gardiens de la révolution eux-mêmes alors que par le passé, l’Iran intervenait par l’intermédiaire de ses proxies que sont les milices chiites iraquiennes ou le Hezbollah. Rappelons que la dernière fois que les gardiens de la révolution avaient agi directement, c’était au lendemain de l’assassinat du général Soleimani à Bagdad par les Américains. En effet, à cette occasion, Téhéran a réagi en frappant des bases américaines en Irak. Enfin, le troisième fait remarquable est que les réactions iraniennes ont été déployées à l’encontre des territoires de trois pays différents à un jour d’intervalle, traduisant un sentiment non seulement d’hyperpuissance mais également d’impunité. Tout à l’instar de la stratégie de Washington.
“Ce qui est nouveau dans la réaction iranienne, c’est qu’elle se transpose sur un plan pratique directement par les gardiens de la révolution eux-mêmes alors que par le passé, l’Iran intervenait par l’intermédiaire de ses proxies”
En tout état de cause, ces attaques interviennent à un moment particulièrement sensible du fait de la guerre entre Israël et le Hamas, qui ne cesse de faire craindre un débordement régional. Or Téhéran, depuis le 7 octobre 2022, au lendemain du déferlement d’horreur sur Israël et le massacre de plus de vingt-quatre mille Gazaouis qui s’est ensuivi, a adopté un profil bas, maîtrisant autant le Hezbollah que ses autres proxies chiites dans la région. Ainsi, dans l’esprit de Téhéran, ces frappes récentes ne sont pas à rapprocher du conflit israélo-gazaoui et ne doivent être interprétées qu’à l’aune de la volonté de l’Iran de protéger son territoire contre des intrusions terroristes.
Irak et Pakistan mécontents
Aussi bien l’Irak que le Pakistan (mais pas la Syrie du fait de sa proximité avec l’Iran) ont protesté contre les attaques iraniennes en dénonçant l’argumentaire de Téhéran consistant à expliquer qu’il s’agissait de viser les cellules terroristes ayant frappé l’Iran. Les frappes iraniennes visaient aussi à rassurer la population en lui montrant que le pays était à même de se défendre, et ce en dépit de la défaillance des services de renseignements qui n’ont pas anticipé les attentats en question. En somme, un peu comme Israël qui, en visant des militaires iraniens en Syrie ou des membres du Hamas à Beyrouth, chercherait à se racheter un peu de crédibilité aux yeux de sa population après le 7 octobre.
“Ces frappes ne vont pas manquer d’enraciner la présence militaire américaine en Irak, qui pourrait trouver là une excuse justifiant le maintien de ses forces dans le pays. Chose que Téhéran cherche à éviter à tout prix.”
En revanche, ces frappes ne vont pas manquer d’enraciner la présence militaire américaine en Irak, qui pourrait trouver là une excuse justifiant le maintien de ses forces dans le pays. Chose que Téhéran cherche à éviter à tout prix.
Par Ardavan Amir-Aslani.
Paru dans le Nouvel Economiste du 19/01/2024.