Le Soir.be, le 20 novembre 2013
Olivier Perrin/Le Temps
Les regards se tournent à nouveau vers Genève, où les négociateurs reprennent leurs discussions. Mais bien malin qui saurait si cette fois sera la bonne.
Pour la troisième fois en cinq semaines, un nouveau cycle de négociations avec Téhéran s’ouvre donc ce mercredi à Genève sur le nucléaire iranien. L’enjeu est apparemment simple : il s’agit « de commencer à mettre fin aux soupçons vieux d’une décennie sur les efforts nucléaires de Téhéran, qui assure que son programme est uniquement civil, mais qui est soupçonné de vouloir se doter de l’arme atomique », résume Le Parisien.
Du coup, la diplomatie hexagonale revient au centre des regards, puisque le président Hollande « a réaffirmé la fermeté de la position française », rappelle Le Figaro, en prévenant que Paris « ne céderait pas sur la prolifération nucléaire » et que « les sanctions seraient maintenues tant que l’Iran n’aurait pas renoncé à son programme militaire ». Raison pour laquelle Ardavan Amir-Aslani, avocat d’origine iranienne au Barreau de Paris et auteur de plusieurs essais géopolitiques, s’adresse sans complexe, directement, au président français dans La Tribune.fr : « M. Hollande, ne restez pas seul contre tous ! » s’exclame-t-il.
« La France n’en sortirait pas grandie »
Tous, ce sont les partenaires européens, américain, russe et chinois. Donc ne soyez pas, écrit-il, « celui qui fasse que les négociations aboutissent à un échec du fait du blocage de la France. Les conséquences d’un tel échec dépasseraient le cadre iranien et auraient un impact au-delà des frontières de ce pays. La France n’en sortirait pas grandie. J’en appelle à l’âge d’or de la diplomatie française, l’époque où celle-ci savait œuvrer entre ses valeurs, sa position d’arbitre, de médiation internationale et ses intérêts géostratégiques. »
Pour Le Figaro toujours, « si la posture française paraît aussi dure, c’est surtout parce que les positions américaines ont reculé. L’accord initial que s’apprêtaient à signer les Etats-Unis […] laissait survivre le programme militaire iranien. Il foulait aux pieds les résolutions du Conseil de sécurité exigeant un arrêt complet de l’enrichissement. L’échec des interventions en Irak et en Afghanistan a laissé des traces profondes aux Etats-Unis. Barack Obama veut à tout prix éviter d’ouvrir un nouveau front au Moyen-Orient », au moment précis où l’attentat de mardi à Beyrouth ravive les pires craintes dans la région.
Des « agendas différents »
« Pour se retirer sans risques d’Afghanistan en 2014 comme pour imposer une solution politique en Syrie », les Américains « ont besoin de l’Iran ». C’est ce que le Wall Street Journal appelle des « agendas différents » entre Paris et Washington. Quoi qu’il en soit, une analyse du Financial Times développe la thèse qu’« Israël aurait beaucoup à perdre d’un échec des discussions avec les Iraniens ». Mais attention, prévient le premier ministre britannique, David Cameron, il faut « plus de transparence » de la part de Téhéran, lit-on dans la Frankfurter Allgemeine.
Car certains voient bien dans l’intransigeance de la France « un alignement de Paris sur Tel-Aviv ». Mais Le Huffington Post, lui, pense qu’il faut « regarder plutôt en direction de la péninsule Arabique afin de trouver des explications géostratégiques. En effet, Israël (ou en tout cas son gouvernement) n’est pas le seul Etat à craindre un rapprochement entre les Etats-Unis, la communauté internationale et l’Iran. L’Arabie saoudite est également dans ce cas. » Et depuis quelque temps, les relations entre Riyad et Washington « ne sont plus au beau fixe ». Cela confirme que Barack Obama montre « sa volonté de se désengager des affaires moyen-orientales en agissant de façon très pragmatique, voire attentiste ».
En arrière-plan, la Syrie
Car « derrière le nucléaire iranien », il y a aussi « la crise syrienne », analyse Slate.fr : « Pour le chercheur au Centre Carnegie pour le Moyen-Orient Yezid Sayigh, « un éventuel accord aura certainement un impact majeur sur la crise en Syrie, et va sans doute précipiter le processus de résolution du conflit. Mais la nature de la solution est encore incertaine. Les Iraniens pourraient abandonner Bachar el-Assad, comme les Américains pourraient lâcher l’opposition […] Un compromis entre les deux pays est également envisageable. »
Alors que « de son côté, Aram Nerguzian, chercheur au Center for Strategic and International Studies, estime qu’un accord sur le nucléaire iranien n’aura pas d’« impact immédiat » sur la crise syrienne, et en particulier sur « la concurrence entre l’Arabie saoudite et l’Iran », qui constitue une des dimensions majeures du conflit. »
Objectif : accord « win-win »
Sur la possibilité d’un accord, Les Echos expliquent que de très nombreux et complexes éléments, souvent d’une haute technicité, sont à traiter ; il ne s’agit pas seulement des spécificités des matériels, installations, combustibles nucléaires. Aussi délicates sont les procédures juridiques, administratives et financières en cause liées à l’assouplissement des sanctions. Le choix des allégements prioritaires est assez facile à imaginer : dégel partiel de certains avoirs iraniens en devises bloqués à l’étranger, autorisation de certaines transactions avec la Banque centrale d’Iran, reprise des services SWIFT de transferts monétaires, mais leur mise en œuvre effective n’est pas simple. »
L’interrogation centrale est donc maintenant, selon France 24 : « La négociation sur le nucléaire iranien peut-elle accoucher d’un accord » dit win-win ? En tout cas, c’est « le vœu exprimé lundi […] surhttps ://twitter.com/rohani_hassan Conclusions : « Si Téhéran s’engageait sincèrement dans un gel vérifiable de son programme nucléaire, et diminuait, fût-ce modestement, son stock d’uranium enrichi ; si, par ailleurs, l’Iran acceptait de ne pas mettre en service l’installation à eau lourde d’Arak […], les quatre conditions posées par la France à la signature d’un accord intérimaire seraient réunies. Plus rien ne pourrait s’opposer au paraphe » qui allégerait le fardeau des sanctions.
Pékin et Moscou « optimistes »
Côté chinois, selon l’agence Reuters, le président, Xi Jinping, exhorte « l’Iran à saisir l’occasion d’améliorer ses relations avec les puissances mondiales ». A Moscou, Vladimir Poutine souligne « qu’une chance réelle était apparue pour trouver une solution à ce vieux problème », alors que l’Editorial Board duNew York Times juge qu’on n’en est encore qu’au stade du « dégel ».
Aux sherpas des deux bords de faire avancer le dossier de là où il était resté bloqué il y a dix jours. Si l’on voit ensuite débarquer à nouveau les Fabius, Kerry et autres chefs de la diplomatie à Genève, pour rejoindre Catherine Ashton pour l’UE et Mohammad Javad Zarif pour l’Iran, ce sera un signe d’espoir. Sans que cela signifie forcément que cette fois sera la bonne.