Pour la troisième fois depuis 2012, les députés ont renoncé cet été à augmenter cette taxe.
Les deux premiers pays producteurs mondiaux exercent un lobbying intense.
Mah Siew Keong a fait le déplacement en France. Une première. Le ministre malaisien des Plantations et des Matières premières est venu la semaine dernière tenter de convaincre les pouvoirs publics d’abandonner définitivement tout projet de taxe sur l’huile de palme dont le pays asiatique est le deuxième producteur mondial.
Cet été, pour la troisième fois depuis 2012, les députés français ont renoncé à taxer ce produit très décrié dans l’Hexagone, sa culture ayant entraîné une déforestation massive. Mais la Malaisie n’est pas tranquille. « Nous craignons qu’une taxe revienne sous une autre forme, dans le cadre d’une loi de finances », indique le ministre des Plantations aux « Echos ».
L’Etat français s’est en effet fixé comme objectif de proposer dans les mois à venir une remise à plat de l’ensemble de la fiscalité sur les huiles végétales. « La première taxe a été créée dans les années 1970, le système est aujourd’hui complètement obsolète », lance Razzy Hammadi. Le député travaille depuis plus d’un an sur la refonte de la fiscalité des produits alimentaires. Il défend une « fiscalité écologique » et reconnaît que, pour l’huile de palme, « on ne pourra rester au niveau de taxe actuel ». Dans l’entourage de la secrétaire d’Etat chargée de la Biodiversité, Barbara Pompili, on insiste sur le fait qu’ « il faut tenir compte des conditions dans lesquelles l’huile de palme est produite ». L’idée d’une « taxation différenciée » est donc discutée, qui serait moins lourde pour les huiles certifiées.
La Malaisie, de son côté, ne veut pas entendre parler de taxe. Elle juge la mesure « discriminatoire » et « injuste » pour son industrie de la palme qui fait vivre plus de 1 million de personnes. Elle craint en outre que d’autres pays européens soient tentés de suivre le mouvement. Elle est donc venue rappeler à Paris la « solide amitié » qui lie les deux pays, et le fait que « la France est l’un de [ses] plus gros partenaires commerciaux ». En matière d’armement, par exemple, Kuala Lumpur s’est placé en 2015 au huitième rang des plus gros clients de la France.
Redorer l’image de la palme en Europe
Cette pression diplomatico-commerciale et ce lobbying intense ne sont pas nouveaux. Kuala Lumpur se bat depuis plusieurs années pour redorer l’image de la palme en Europe, et particulièrement en France où la mention « sans huile de palme » s’affiche sur de nombreux produits agroalimentaires et cosmétiques.
Cette pression, le premier producteur mondial l’exerce également. Au début de l’année, l’Indonésie avait ainsi dénoncé une proposition de loi « arrogante » qui mettait « en danger les relations entre les deux pays ». Selon le député Nicolas Dhuicq, Djakarta a fait planer sur la France des menaces de « rétorsions économiques, notamment sur des achats d’Airbus et de satellites ».
En mars, l’Indonésie a fait appel à un cabinet d’avocats parisien. De l’Assemblée nationale à l’Elysée, celui-ci rencontre de nombreux interlocuteurs afin de « souligner l’intérêt économique et social de la ressource » : 11 % du PIB indonésien et 16 millions d’emplois sont en jeu. « Cette volonté d’imposer unilatéralement l’huile de palme aurait été en contradiction avec l’esprit de la COP 21 où les Etats se sont engagés à aider les pays émergents en matière de développement durable », fait ainsi valoir maître Ardavan Amir-Aslani, qui confie qu’une réunion « décisive » a été organisée à Matignon peu de temps avant le vote. « Sans notre travail de pédagogie, la taxe serait passée », conclut l’avocat.
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