Mais que se passe-t-il entre l’Iran et les Etats-Unis depuis quelques mois ? Il semblerait qu’un calme relatif soit de rigueur de part et d’autre. Bien entendu la rhétorique agressive et va-t-en guerre est toujours présente. Le contraire serait étonnant tellement ces deux pays ont habitué, depuis plus de quarante ans, la communauté internationale à leur discours belliqueux. Il n’en demeure pas moins qu’un vent d’apaisement à peine perceptible semble souffler sur les relations entre ces deux pays. C’est d’autant plus remarquable qu’au cours des douze derniers mois, ils ont failli se retrouver face à face dans un véritable conflit militaire total. Rappelons les récents incidents. Il y a d’abord eu la destruction du drone américain au-dessus des eaux territoriales iraniennes en juin 2018. Ensuite, il convient de mentionner la destruction des installations pétrolières saoudiennes par des missiles cruise vraisemblablement à l’initiative de l’Iran, même si revendiquée par les Houthis du Yémen. Et enfin l’assassinat du Général Soleimani en Iraq et les frappes iraniennes en retour sur les bases américaines. Chacun de ces incidents, et c’est un euphémisme, aurait pu déclencher une guerre totale entre les deux pays. Mais il n’en fut rien.
Toujours fidèle à leur politique de « pression maximale » les Etats-Unis continuent à peser de tout leur poids sur l’échiquier international contre l’Iran. Le 13 mai dernier, Brian Hook, l’homme chargé des questions iraniennes au département d’Etat, publiait un article dans le Wall Street Journal où il exhortait la communauté internationale à renouveler l’embargo sur les armes conventionnelles à destination de l’Iran, embargo qui dure depuis 13 ans et qui est appelé à s’achever au mois d’octobre prochain. De son coté Donald Trump persévère avec ses diatribes à l’encontre de Téhéran en menaçant de couler les bateaux iraniens qui se rapprocheraient à moins de 100 mètres des bâtiments de la marine américaine naviguant dans les eaux internationales du golfe persique. Les Iraniens, pour leur part, ne sont pas restés inertes et continuent, eux aussi, avec leur politique de « résistance maximale » et ne manquent pas une occasion de menacer l’armée américaine dans la région et de narguer Washington avec leur programme spatial qui a fait entrer le pays dans le camp très select des pays disposant d’une véritable politique spatiale. Or, aussi bien du coté iranien que de celui des Américains, on entend davantage de menaces verbales que l’on constate d’actions.
En effet, en cette période électorale à Washington, et les 40 millions de demandeurs d’emplois nouvellement inscrits sur la liste du chômage suite à la crise sanitaire du Covid-19, l’appétit n’est franchement pas à la guerre et son lot de body-bag de retour sur le tarmac des aéroports américains. Pareillement, pour les Iraniens, las des efforts massifs qu’ils ont déployés face à cette même crise du coronavirus, et ayant de surcroît les coffres vides du fait de l’impossibilité de vendre leur pétrole par le jeu des sanctions américaines et du crash des cours d’hydrocarbures, la volonté d’en découdre avec les Etats-Unis n’est franchement pas présente. Téhéran n’a pas non plus envie de faire le cadeau d’un clash militaire Iran-USA à la campagne de Donald Trump, mal en point ces temps-ci. D’où la stratégie de « patience héroïque » qu’ils déploient allègrement. L’objectif étant de faire le dos rond avec l’espoir que Joe Biden remporte les élections du mois de novembre et fasse revenir les démocrates à la maison blanche. Même si les Iraniens ne se font pas d’illusion sur un changement de politique américaine sur la question iranienne, tellement la cause d’Israël fait l’unanimité à Washington, aussi bien chez les républicains que chez les démocrates, ils espèrent quand même une baisse des hostilités avec un Biden à la tête de l’exécutif américain.
Ainsi globalement, le temps est à l’accalmie dans les « relations bilatérales » entre ces deux pays. Le dialogue entamé, le mois dernier, entre les deux capitales sur un échange éventuel de prisonniers est une indication à cet égard. La non opposition iranienne quant au choix du Premier ministre irakien, Mustapha al-Kadhimi, pressenti par les Américains est un signe de paix venant de Téhéran. Cette attitude non belliqueuse iranienne a même été récompensée par Washington qui a accordé une dérogation à Bagdad sur l’importation du gaz et de l’électricité iranien valable 4 mois alors qu’en général de telles dérogations ne dépassent pas les six semaines. Téhéran a aussi retourné la courtoisie en réduisant à zéro les heurts quotidiens entre les milices chiites pro-iranien et les troupes américaines stationnées en Irak.
Il est permis de croire que cette paix relative des braves durera au moins jusqu’aux élections américaines de novembre prochain. Ce qui adviendra après, dépendra entre autre de qui de Trump ou de Biden l’emportera.
Par Ardavan Amir-Aslani.
Paru dans l’Atlantico du 24/05/2020.